Entre autres conséquences, la crise de Lehman Brothers a débouché sur une prise de conscience par la Commission européenne de la nécessité d’une réforme des procédures d’audit. Les débats ont été âpres et la maturation du texte lente. Parmi les principales mesures qui viennent d’être adoptées par le Parlement européen : l’obligation faite aux entreprises de changer d’auditeur tous les 10 ans. Mais diverses dispositions permettent d’allonger largement cette période. L’Europe a par ailleurs décidé de restreindre les prestations “non audit” proposées par les cabinets à leurs clients. Inspirée du modèle français, la réforme devrait avoir plus d’impact dans les autres pays européens que dans l’Hexagone.
Les deux textes relatifs à la réforme pour auditer votés par le parlement, à savoir un règlement européen et une directive, ne font pas l’unanimité chez les intéressés. Un certain nombre de commissaires aux comptes jugent en effet que les mesures adoptées risquent d’être contre-productives. D’autres se montrent plus optimistes, à l’image de Patrick de Cambourg : « au début du processus d’une réforme, les ambitions sont très fortes, parfois idéalistes. Cela a été le cas pour le premier texte publié en septembre 2011, qui a été jugé assez jusqu’au-boutiste comme l’a souligné Michel Barnier, s’il n’y avait que la France, l’Europe n’aurait pas mené cette réforme ».
Un mandat limité à 10 ans
L’une des mesures phares de cette réforme est l’introduction d’une durée maximale du mandat de 10 ans pour un même cabinet d’audit. Au-delà, l’entreprise cliente ne peut pas le reconduire. L’idée générale est de tenter de combattre la supposée connivence qui peut s’instaurer entre un auditeur et son client après de nombreuses années. Mais la Commission a prévu un certain nombre de dérogations à cette règle des 10 ans. D’une part, l’entreprise a la possibilité de conduire un appel d’offres. Si le cabinet sortant est jugé le mieux-disant, son mandat peut être renouvelé pour un maximum de 10 ans, soit au total 20 ans. Deuxième option : le régime de base peut être prolongé de 14 ans en cas de co-commissariat aux comptes, soit une durée maximale de 24 ans. Selon les spécialistes, il y aura finalement assez peu d’entités qui seront concernées par une rotation à 10 ans. La France devrait pour sa part conserver les mandats de 6 ans actuellement en vigueur. Pour que cette durée puisse s’inscrire dans le cadre de la réforme, une solution serait donc de faire un premier mandat de 6 ans, puis seulement les 4 premières années du deuxième mandat, afin de parvenir à un total de 10 ans.
Ouverture du marché, des avis partagés
Cette règle de la rotation se veut être une réponse à la domination du marché de l’audit par les quatre grands cabinets américains que sont PwC, EY, Deloitte et KPMG, les fameux “big four”. En France, ces derniers détiennent 85 % des mandats des groupes du CAC 40, selon une étude de Proxinvest.
En France, la domination des “big four” est moins prégnante. Le système du co-commissariat aux comptes permet d’avoir quelques acteurs très bien structurés, qui non seulement ne devraient pas être impactés par la réforme, mais devraient pouvoir en profiter.